Avenue
Octobre Soixante-dix Alors que les élus municipaux
de la ville de Montréal se questionnent sur la pertinence de rebaptiser
une rue du quartier Parc Extension en mémoire de l'ex-premier ministre
l'honorable Robert Bourassa, décédé il y a à peine
dix années, je voudrais proposer le nom d'avenue Octobre Soixante-dix
Je
me souviens
À première vue, cela peut vous sembler bizarre
qu'un simple citoyen comme moi vous rappelle la devise que nos plaques d'immatriculation
nous martèle tous les jours; Je me souviens
Comme ma grand-mère
qui souffre d'Alzheimer et à qui l'on doit redire tous les jours qui elle
est
qui je suis
Quand j'étais petit, c'était plus
simple; c'était la Belle Province... C'est vrai qu'elle était belle
notre Province; six mois sous la neige avec deux semaines dans les trente degrés
en juillet, et trois nuits où l'on ne pouvait plus respirer tellement l'humidité,
combinée à la chaleur, nous étouffaient dans nos chambres
au deuxième étage de la demeure familiale
Mais aujourd'hui,
on a la climatisation
Je me souviens, quand j'étais tout jeune
québécois sans vraiment savoir ce que c'était vraiment, et
que j'aidais mon papa à laver sa vieille Oldsmobile Delta 88 dont il était
si fier, avoir bêtement demandé au paternel pourquoi il y avait cette
inscription sur la plaque minéralogique de la voiture familiale et que
nous appelions tous à tort licence, parce que l'office de la langue ne
nous avait pas encore formellement rappelés à l'ordre
-
' Pourquoi c'est marqué La Belle Province dessus?' Car après tout,
nous étions sensés être Maître chez nous depuis les
années soixante, un Peuple et fiers de l'être, un Québec souverain
dans un Canada unis 'coast to coast'! Mais ça, c'était vrai avant
qu'on nous envoie l'armée d'occupation canadienne en octobre 1970, les
deux minables référendums de 1980 et 1995 où les Québécois
se sont comptés et déchirés entre frères et soeurs,
et avant la fameuse loi sur la Clarté dont le 'dépité' Dion
est si fier
et les règles de majorité absolue de Chrétien
qui se situent à environ 95 % plus Un lorsqu'on veut se séparer
légalement de l'être aimé ! - ' Pourquoi il y en a deux,
Papa
Une en avant et une en arrière ?
' À l'époque,
c'était une très bonne question, car cela doublait le travail de
nos pauvres prisonniers qui maintenant réclament le salaire minimum et
d'adhérer peut-être à un autre syndicat que celui du crime.
Aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une à l'arrière, c'est peut-être
la raison qui explique ce pour quoi on ne se souvient plus de rien; la répétition,
comme dans l'exemple de l'apprentissage du petit catéchisme inculqué
de force à l'école à coup de règle, a ses avantages
: 'Où est Dieu ? Dieu est partout !
Et bientôt, comme on aura
tous une puce électronique d'implantée dans le cul, comme les chiens
de race pure ou les moutons du troupeau à mon oncle pour l'agri-traçabilité,
ou un code à barres comme au supermarché pour que le Québec
puisse passer à la caisse au plus vite, ou pour qu'on puisse nous suivre
à la trace comme des prisonniers en liberté au conditionnel, on
n'aurait peut-être plus besoin de plaque 'pantoute '
et on recevrait
nos 'tickets' par la poste comme les Anglais en Ontario
Maudit que c'est
un beau pays le Canada! - 'Est-ce que c'est pour aider la police à
donner des billets quand tu vas trop vite, hein! Papa?
Hein! Papa ?' Les
commentateurs, les journalistes, les analystes de la scène politique, les
politiciens de toutes tendances, tous sans exception ont louangé l'homme
d'État et les bienfaits de ses mandats répétés à
la gouverne de la province
Pas un seul n'a mentionné sa collaboration
avec l'occupant anglo
Sûrement un petit oubli dans notre mémoire
collective.
Pas un mot sur sa bravoure légendaire au Lac Meech où
il a su résister vaillamment à l'envi de taquiner la truite, comme
à la sympathie populaire québécoise qui le poussait à
faire l'indépendance au nom de tous les Québécois aux allégeances
diverses, pas un mot sur la Crise d'Octobre 1970 où, celui que feu P.E.
Trudeau, maintenant devenu un aéroport, surnommait : 'le mangeur de hot-dogs',
fit venir l'armée d'occupation Canadienne 'in The Province Of Quebec'
Il
semblerait que nous avons la mémoire courte, nous autres Québécois,
mais moi, je me souviens encore
Octobre Soixante-dix
Jamais je
n'oublierai ce moment passablement noir de notre jeune existence collective
C'est
à ce moment-là que j'ai compris que, comme les autres québécois,
je n'avais pas les couilles accrochées assez haut pour avoir mon pays pour
moi tout seul et c'est pourquoi, comme les autres, je me suis mis à ramper
et à m'écraser devant l'occupant du gouvernement supérieur
C'était un peu naturel, car ils avaient de gros fusils mitrailleurs qu'ils
exhibaient si fièrement pour nous impressionner! Je n'étais qu'un
jeune ado ignorant à l'époque, mais j'ai bien lu la terreur dans
le regard de mes camarades de classe, de mes frères et mes surs du
Québec et, tous ensemble, nous avons fait dans notre culotte ! Aujourd'hui,
je me sens honteux d'avoir souillé mon pantalon et de n'avoir pas saisi
l'occasion de me révolter et de faire face à l'occupant anglais
J'aurais
pu sortir mon tire-boulette et en lancer une ou deux sur les véhicules
blindés de l'armée qui passaient devant la maison familiale, mais
j'ai eu peur d'agir, car la dernière fois que je l'avais utilisé,
la police était venue me reconduire à la maison et maman avait été
très fâchée d'apprendre que j'avais cassé les carreaux
d'un voisin chiant et m'avait donné la fessée! Je sais maintenant
que je suis un peu 'chieux en culotte' comme les autres et j'ai beau me bercer
d'illusions en pensant à la fondation d'un pays souverain en faisant un
petit X sur un bulletin de vote, je sais maintenant qu'il est plus que probable
que cela n'arrivera jamais
Car j'ai peur de perdre mes belles montagnes rocheuses
du 'Plus beau pays du monde', ma 'job steady' dans une grosse firme américaine
qui n'a pas encore déménagé sa production en Chine, mon chèque
de B.S. au cas où, mon assurance chômage pour probablement très
bientôt si tout le monde continue d'acheter des mets chinois, mon chèque
de pension et ma retraite garantie avec mon condo en Floride six mois par année,
et j'ai peur que ma maison ne vaille plus rien suivant un 'oui'
Pour toutes
ces raisons, je suis un collabo. Qui ne dit mot consent ! Qui ne fait rien et
ne porte pas assistance à autrui, collabore avec l'oppresseur
Je
suis donc un collabo, tu es un collabo, il est un collabo
Comme beaucoup
de constitutions ont été écrites avec le sang des braves
qui sont tombés pour la patrie, comme le nombre de bébés
boomers croît de façon exponentielle et que l'on compte maintenant
sur les immigrants pour faire des enfants et pour payer les pensions des jeunes
retraités québécois, qui voudra donner un peu d'encre pour
écrire la constitution de notre fière nation?
Qui ? Personne,
comme en Octobre Soixante-dix
On n'est pas des fous et on veut garder notre
petit confort ! C'est pourquoi je propose que l'on renomme l'avenue du Parc;
Avenue Octobre Soixante-dix, en l'honneur de feu Robert Bourassa et des Québécois
qu'il a si bien représentés à l'Assemblé Provinciale
pendant toutes ces années. Bien qu'il ait demandé la présence
de l'armée canadienne, une erreur de jeunesse probablement, on doit le
remercier de nous avoir fait la preuve par l'absurde que, s'il y a une Nation
québécoise, c'est une nation rampante, conquise, emmurée
dans une réserve appelée province canadienne, et qui attend, en
chialant que c'est pas juste, le chèque d'assistance nationale appelé
Pépère-Équation! Avenue Octobre Soixante-dix; Merci
pour tout, Robert !
Par Alain
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