Alain
Bellemare
Lève-toi
et marche...
ou
crève!
Les
aventures d'un Pied-Noir en Algérie
Préface
J'ai
toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui
s'exerce aveuglément dans les rues d'Alger par exemple, et qui peut un
jour frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais
je défendrai ma mère avant la justice.
Albert
Camus, Algérie 1958, Actuelles III
Avoir 18 ans à Bône! Quel rêve! Hier Bône
la coquette, aujourd'hui Annaba. C'est le paradis, non? Tous les guides touristiques
le disent. Peut-être, mais pas dans l'Algérie de la fin des années
1950. Et pas pour un jeune Pied-Noir. Encore moins pour un Pied-Noir d'origine
sicilienne né dans le quartier arabe, alimenté au sein arabe, basané
comme ses frères musulmans, citoyens de seconde zone comme eux parce que
fils d'ouvrier. Les circonstances le pousseront néanmoins dans la Légion
étrangère et à devenir plus tard chef de patrouille dans
l'Unité territoriale de son quartier. Puis à l'aube d'un certain
jour, épuisé, alors qu'il rêve de rentrer chez lui pour retrouver
les siens, rêve qu'il fit souvent au cours de la guerre, sa femme, sa mère
et son père, toute sa famille comme des milliers d'autres est forcée
de quitter le pays, humiliée et bafouée. Bienvenue dans l'histoire
de Pino. Bienvenue en Algérie française. Si vous n'êtes pas
Pied-Noir, bien sûr
Comme
chacun le sait, la Légion étrangère n'est pas une filiale
extrême du Club Med. Il s'agit plutôt d'une section coloniale de l'armée
française, constituée de soldats hyper entraînés, enragés
congénitaux pour plusieurs d'entre eux, et, en Algérie, lancée
contre les militants du FLN (Front de libération nationale). Or, ces derniers
sont aussi enragés que les légionnaires. Révoltés
contre l'injustice et l'arrogance de l'État colonialiste français,
motivés par le ressentiment, soutenus par des puissances étrangères,
instrumentalisés, bien entraînés et bien armés, souvent
par des leaders intransigeants.
Le
roman d'Alain Bellemare, écrit du point de vue de Pino, raconte l'histoire
de ce dernier : son enfance, sa famille, ses amours, ses copains, sa guerre, ses
aventures dans les bordels et les tripots d'Algérie; son besoin de vengeance
contre les terroristes et les intégristes, sa révolte contre l'État,
l'Église, l'armée et un certain Grand Général. Or
cette histoire, cette colère
l'histoire de cette colère et
de cette révolte le dépasse largement. Elle est celle de la fin
de l'Algérie française, que nous aurions intérêt à
connaître davantage. Effectivement, cette tragédie semble annoncer
les grands conflits d'aujourd'hui, les enjeux majeurs auxquels nos sociétés
sont confrontées : le monde déchiré entre la quête
de liberté et de richesse, les exclusions et la tentation intégriste;
la France avec ses banlieues qui flambent, et ses ripostes politiques ingénues
ou extrémistes; le monde entier tel qu'il va, avec le 11-Septembre, l'Irak,
la Palestine, etc.; les élites occidentales brandissant des valeurs morales
ou de démocratie apparente, mais préservant, toujours dans leurs
propres intérêts, les fondements même de l'injustice. Selon
le point de vue de Pino, soustrait d'emblée à la rectitude morale
et aux bons sentiments, les vrais ennemis ne sont pas toujours ceux que l'on pense;
le racisme et la terreur ne s'apprennent pas fatalement dans les quartiers mixtes.
Alain
Bellemare, qui nous livre ici son premier roman, est un conteur qui force l'admiration.
Une fois que vous serez plongé dans cette histoire, non seulement vous
ne la lâcherez pas, mais elle ne vous lâchera pas non plus; elle vous
habitera longtemps. Parce qu'il raconte l'histoire d'hommes et de femmes simples
qui se battent pour vivre et survivre. Parce qu'il a su créer un personnage,
héros ou antihéros, dans un univers qui est le nôtre, qu'on
le veuille ou pas, qu'on habite Paris ou sa banlieue, Toulouse ou Alger, Montréal
ou Gaspé. Pino devient ainsi un frère. Ami ou ennemi ? À
vous de voir.
Gilles
McMillan
Un lecteur
Du
même auteur: Bienvenue
sur Galaxya 7.0